l'Egypte peine à relever son défi démographique

Avec 3 nouveaux bébés par minute, l'Egypte peine à relever son défi démographique
EGYPTE - 10 juin 2008 - AFP

Avec trois nouveaux bébés à la minute, 80 millions d'habitants et une densité record du fait d'un sol habitable très restreint, l'Egypte peine à relever son défi démographique.

"La croissance démographique est un défi majeur pour notre génération, et toutes celles à venir", a prévenu lundi le président Hosni Moubarak en ouvrant un congrès national sur la population.

Face à ce problème crucial, la réponse des autorités reste surtout incantatoire avec l'exhortation --mais sans mesures contraignantes "à la chinoise"-- en faveur de "la famille idéale" comptant seulement deux enfants.

Avec une moyenne de 3,1 enfants par femme, et de 5 dans les campagnes, l'Egypte, pays arabe le plus peuplé, a certes connu une baisse de son taux de fécondité. Mais cette baisse s'est interrompue depuis dix ans.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 1981, M. Moubarak aura été le témoin du doublement de la population égyptienne, dont le tiers a aujourd'hui moins de 15 ans et qui augmente de 1,3 million chaque année.

Au rythme actuel, il a laissé attendre un nouveau doublement à l'horizon 2050, soit 160 millions pour un pays dont la surface habitable, à savoir le Delta et la vallée du Nil, soit 45.000 km2, est équivalente à la Suisse.

"L'Egypte, hors désert, a la plus forte densité humaine au monde, avec 2.000 habitants au kilomètre carré, le double du Bangladesh", note le démographe Philippe Fargues, professeur à l'Université américaine du Caire (AUC).

Il y a deux siècles, le pays ne comptait que 4 millions d'habitants sur les rives du Nil, alors que ce don de la nature, pollué à l'extrême et soumis à un quota régional, répond de plus en plus mal aux besoins en eau.

Le quart des Egyptiens, près de 20 millions, s'agglutinent dans le grand Caire, transformé en chaos urbain. Ses quartiers périphériques dits "informels", foyers de misère, dévorent les zones cultivables.

Devenue invivable --ses riches fuyant vers des ghettos de luxes--, la capitale n'est pas la seule à pâtir de l'explosion démographique qui, jointe à l'incurie publique, provoque la dégradation de services, des transports à l'éducation.

Et même si la croissance économique est devenue forte, caracolant à 7% l'an, elle ne suffit pas à créer assez d'emplois pour le demi-million de jeunes entrant chaque année sur le marché du travail.

La croissance démographique est "un obstacle essentiel à nos efforts pour le développement et l'élévation du niveau de vie", a souligné M. Moubarak lors de ce congrès sur la population, le premier depuis 20 ans.

Certes, des progrès ont été enregistrés, "mais pas assez vite. Jamais la population n'aurait dû atteindre un tel niveau!", affirme Hoda Rachad, directrice du centre de recherche sociale de l'AUC.

Pour elle, ce qu'il faut maintenant, "c'est poursuivre le planning familial en l'insèrant dans une politique bien plus large et mieux ciblée sur l'éducation, la santé ou le travail féminin".

"Même des femmes des milieux aisés disent préférer trois enfants plutôt que deux", dit-elle, écartant l'idée selon laquelle le poids des préjugés religieux interviendrait comme frein à la contraception.

Le problème, estime Philippe Fargues, "est l'inertie démographique qui s'alimente de la croissance passée et fait qu'une majorité d'Egyptiens sont aujourd'hui en âge de procréer".

Les spécialistes prévoient que la population comptera près de 100 millions d'habitants en 2025. Si le taux actuel est abaissé, elle n'atteindra "que" 120 millions en 2050.

Pour M. Fargues, cette croissance démographique est le signe "d'une société bloquée dans ses évolutions, avec sa pauvreté et ses tabous sexuels". "La clef, la seule, est de promouvoir une véritable présence des femmes au travail".
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