La voix de la Chine

La voix de la Chine

n passe de devenir la troisième puissance économique mondiale, la Chine se donne les moyens de diffuser sa bonne parole à travers le monde. Pour ce pays souvent craint et admiré mais rarement aimé, l'enjeu est considérable. Ce n'est pas un hasard si les autorités de Pékin ont choisi la date du 1er octobre, jour de la fête nationale chinoise, pour lancer CCTV-F, une nouvelle chaîne de télévision diffusant en permanence en français, et CCTV-E, une chaîne diffusant, elle, en espagnol.


Visibles en Chine uniquement dans les grands hôtels, ces chaînes seront diffusées en Europe, sur le continent américain et en Afrique. Elles viendront compléter un dispositif déjà substantiel : Radio China International émet sur toute la planète dans une multitude de langues, et la Chine dispose d'ores et déjà d'une chaîne de télévision en anglais. Si les autorités chinoises affirment n'investir que de modestes moyens dans cette communication internationale, Pékin ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : trois nouvelles chaînes devraient faire leur apparition en 2010, pour être la voix et l'image de la Chine en arabe, en russe et en portugais.

Même si la liberté de la presse est quotidiennement bafouée en Chine - les habitants n'ont accès ni à BBC World, ni à CNN, ni à TV5, sauf à disposer d'antennes satellitaires très onéreuses -, Pékin veut devenir un acteur majeur de l'audiovisuel international. Pour les Occidentaux, il s'agit d'un nouveau défi. Longtemps en situation de monopole sur ce marché, ils sont depuis plusieurs années concurrencés par des médias venus de pays émergents, dont la célèbre chaîne Al-Jazira, émise depuis le Qatar. La mondialisation de l'information ne fait que commencer. On imagine mal l'Inde et la Russie ne pas se doter dans les années à venir de dispositifs comparables.

Placés en situation de concurrence, ces médias doivent, pour réussir, être crédibles, mais également disposer de moyens considérables. Dans ce contexte, la France ne manque pas d'atouts. L'Agence France-Presse, seule grande agence de presse mondiale non anglophone, en est un. La notoriété de TV5 et de RFI participe également de ce rayonnement de la France. Pourtant, notre pays souffre d'une trop grande dispersion de moyens. Entre TV5 Monde, RFI, France24, Euronews, Canal France International, plus personne ne s'y retrouve, et il est vraisemblable que les 300 millions d'euros dont sont dotés, globalement, ces organismes seraient mieux utilisés si ceux-ci coopéraient plus étroitement. L'audiovisuel extérieur est devenu un chantier permanent de la République. Il serait paradoxal qu'en raison de querelles de chapelle parisiennes ce soit la Chine qui, demain, devienne la voix la plus écoutée de la francophonie.
Article paru dans l'édition du 29.09.07.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-960657,0.html

l'information ne sera plus unipolaire mais multipolaire, ce qui est une bonne chose