Le Maroc à nouveau tenté par la censure
ARIELLE THEDREL.
Publié le 17 août 2007
Actualisé le 17 août 2007 : 07h45
Un journaliste a été condamné à quatre ans de prison pour avoir divulgué des documents relatifs à la lutte antiterroriste.
À L'APPROCHE des élections législatives du 7 septembre, les autorités marocaines ont-elles engagé une « offensive généralisée contre la presse » comme l'affirme le journaliste Ahmed Benchemsi ? Pour la première fois depuis quatre ans en tout cas, un journaliste, Mustapha Hormat Allah, a été condamné mercredi à une peine de prison ferme. Huit mois d'incarcération pour avoir divulgué dans l'hebdomadaireal-Watan al-An des « documents confidentiels » liés à la lutte antiterroriste. Il était incarcéré depuis le 17 juillet. Le directeur de ce journal, Abderrahim Ariri, écope lui aussi de six mois avec sursis.
Le sujet est sensible. Depuis le début de l'année, plusieurs kamikazes se sont fait exploser alors qu'ils s'apprêtaient à commettre des attentats et début juillet, le Maroc a mis ses forces de sécurité en état d'alerte maximale pour contrer « une menace terroriste sérieuse ». Citant un document émanant des services de renseignement militaires, Mustapha Hormat Allah révélait ainsi dans son article qu'al-Qaida aurait envoyé au Maghreb seize djihadistes arabes et pakistanais pour y perpétrer de nouvelles opérations sanglantes.
Amendes disproportionnées
Le verdict prononcé par le tribunal correctionnel de Casablanca a « choqué » et « consterné » la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et Reporters sans frontières (RSF). Pour la FIJ, « il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un jugement motivé par des considérations politiques visant à intimider les journalistes ». RSF estime de son côté que « le fossé ne cesse de se creuser entre les engagements des autorités marocaines en faveur d'une démocratisation du royaume et la pratique ». Dans un rapport publié début juillet, le Comité pour la protection des journalistes, une ONG basée à New York, avait constaté que la liberté de la presse avait « régressé notablement » au Maroc, accusant Rabat d'exercer des pressions « imprévisibles et de plus en plus sophistiquées » contre les médias indépendants. Depuis 2005, au moins six journalistes se sont vu infliger des amendes disproportionnées.
Le procès du journaliste d'al-Watan al-An, qui a coïncidé avec celui de huit militaires marocains accusés d'avoir transmis ces notes secrètes, n'est apparemment qu'un prélude. Le procès d'Ahmed Benchemsi, directeur de deux magazines saisis le week-end dernier, doit s'ouvrir la semaine prochaine. Benchemsi est accusé d'avoir « manqué au respect dû à la personne du roi ». Mustapha Alaoui, qui dirige l'hebdomadaire al-Ousboue, devrait être lui aussi, dès jeudi, fixé sur son sort. La justice lui reproche des propos attribués au secrétaire général de l'ONU dénonçant en termes désobligeants le comportement de la délégation marocaine aux négociations sur le Sahara occidental. À l'instar d'Ali Ammar, directeur du Journal hebdomadaire, beaucoup de journalistes marocains redoutent « un retour à la censure des années 1970 ».
http://www.lefigaro.fr/international/20070817.FIG000000143_le_maroc_a_nouveau_tente_par_la_censure.html