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 Bertrand Delanoë: Ce que la France devrait faire en Afrique

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AuteurMessage
cmoibra75




Messages : 6
Date d'inscription : 08/10/2007

Bertrand Delanoë: Ce que la France devrait faire en Afrique Empty
MessageSujet: Bertrand Delanoë: Ce que la France devrait faire en Afrique   Bertrand Delanoë: Ce que la France devrait faire en Afrique Icon_minitimeJeu 5 Juin - 10:06

Bertrand Delanoë: Ce que la France devrait faire en Afrique

Plus que probable adversaire de Ségolène Royal pour le poste de premier secrétaire du Parti socialiste lors du congrès de Reims, en novembre, le maire de Paris expose sa conception des relations internationales - et singulièrement l'avenir de la « Françafrique » -, juge Barack Obama ou Nicolas Sarkozy, et évoque, non sans émotion, sa Tunisie natale.

Selon toute apparence, son duel annoncé avec Ségolène Royal pour le poste de premier secrétaire du Parti socialiste aura bien lieu, au mois de novembre, lors du congrès de Reims. Mais Bertrand Delanoë, conforté par sa réélection à la mairie de Paris, en mars, avec 57 % des suffrages, ne souhaite surtout pas brûler les étapes. Il ne se lancera que si les conditions sont réunies. C'est-à-dire s'il est sûr de l'emporter. Il sait pouvoir compter sur l'appui sans réserve des jospinistes « historiques » et espère bien faire voler en éclats le front du « ni-ni » (ni Royal ni Delanoë), cette coalition hétéroclite de strauss-kahniens et de fabiusiens regroupés sous la bannière des « reconstructeurs ».
Dans De l'audace, son livre d'entretiens avec Laurent Joffrin paru le 22 mai chez Robert Laffont, il se déclare sans complexes « socialiste et libéral ». La gauche, explique-t-il, doit se « réapproprier avec fierté » cette tradition politique née dans le sillage des philosophes des Lumières. Ce qui constitue tout à la fois un clin d'œil appuyé aux amis de Dominique Strauss-Kahn et à la frange moderniste du PS ; une réponse au « blairisme » affiché par Royal ; mais aussi une manière de marquer sa différence, lui qui est si longtemps resté dans l'ombre de Lionel Jospin, son mentor et ami.
Au fil des pages, on découvre un Delanoë qui a mûri et, sans doute, changé de dimension. Lui que ses détracteurs accusent volontiers de rester cantonné à ses dossiers parisiens y aborde largement les questions de politique étrangère. Notamment le passé colonial de la France en Algérie. S'il juge, par exemple, inapproprié le terme de repentance, il estime qu'il n'y a rien d'humiliant à exprimer des regrets, et que la France ne peut continuer de se voiler la vérité : « Le jugement de l'Histoire est sans appel : la colonisation a été négative, c'est tout. »
Le sujet lui tient à cœur tant pour des raisons politiques que personnelles. Né à Tunis, en 1951, il a passé les quatorze premières années de sa vie à Bizerte, où son père fonctionnaire exerçait la profession de géomètre. Il en a conservé un tropisme marqué pour le Maghreb, le monde arabe et l'Afrique. Une Afrique dont il connaît bien le personnel politique : du Sénégalais Abdoulaye Wade au Burkinabè Blaise Compaoré, en passant par le Sud-Africain Thabo Mbeki.
C'est en Tunisie, où il assistait, début mai, à une réunion des villes francophones et arabes organisée par son ami Abbès Mohsen, le maire de Tunis, que nous l'avons rencontré. Interview.


« Ce que la France devrait faire en Afrique »

Jeune afrique : Qu'est-ce qui vous sépare de Ségolène Royal ?
Bertrand Delanoë : Je ne me positionne pas par rapport à telle ou telle personnalité. En revanche, je souhaite, avec d'autres, définir une offre utile, pertinente, renouvelée, qui sera soumise au débat collectif. Seules les idées assumées dans la clarté me semblent intéressantes. La question des personnes n'est pas illégitime, mais elle ne peut qu'être la conséquence d'un débat préalable sur le fond. C'est l'enjeu des mois à venir.

Le congrès de Reims désignera pourtant un leader qui, sauf accident, aura vocation à être le candidat naturel du parti à la présidentielle de 2012...
La question posée aux socialistes lors de leur prochain congrès est claire : quelle offre politique proposer afin de constituer une alternative crédible à l'actuel pouvoir UMP ? La question du leadership sera le produit de ce débat. Le futur premier secrétaire aura donc pour mission de remettre la famille socialiste en mouvement et de veiller à ce qu'un travail collectif intense et fidèle au choix des adhérents soit mené à bien. Tâche considérable, soit dit en passant. Aura-t-il vocation à représenter automatiquement les socialistes lors de la présidentielle de 2012 ? Non. Lui sera-t-il interdit d'assumer, le moment venu, ce rôle ? Pas davantage. Donc, chaque chose en son temps. Je suis en phase avec ceux qui refusent de « présidentialiser » nos débats de l'automne, même si j'observe qu'à force de ne dire que cela, ils risquent de créer le résultat inverse...

À propos de présidentielle, mais américaine celle-là, que vous inspirent la personnalité et la spectaculaire percée de Barack Obama ?
Je connais assez peu Hillary Clinton. Je connais mieux son mari, dont la présidence a été, à mon sens, l'une des plus utiles pour la paix du monde. Barack Obama m'a très agréablement surpris et impressionné. Il a de l'énergie, de la résistance, du courage. L'Amérique est un pays tellement surprenant, paradoxal, qu'après avoir élu un George Bush, elle peut, demain, désigner Obama. Celui-ci est à la fois un exemple de métissage et de fraternité. Je préfère ce symbole à celui de Guantánamo.

Verra-t-on un jour, en France, un candidat à la présidentielle crédible issu de l'immigration maghrébine et/ou africaine ?
Pourquoi pas maintenant ? Je souhaite que le choix des Français ne soit soumis à aucun critère de sexe, de race, de couleur de peau ou d'identité.

On a parfois le sentiment que la gauche française a un peu raté le coche en matière de promotion de la diversité et des minorités visibles...
Oui, elle aurait pu et dû faire mieux. Cela dit, à l'échelle de Paris, j'estime que nous n'avons pas à rougir de notre bilan. Toute la diversité - qu'elle soit de génération, d'origine ou de culture - est aujourd'hui représentée au sein de mon équipe. Mais je n'ai pas choisi en vertu de tels critères, mais au regard des convictions et des compétences de chacun.

Dans une interview à Jeune Afrique, Sarkozy affirmait en 2006 son désir de rompre avec la « Françafrique ». Ensuite, pendant sa campagne, il avait promis de donner la primauté absolue aux droits de l'homme...
Pour dire les choses avec modération, ce n'est pas là le seul sujet où les actes du président ne sont pas tout à fait conformes aux promesses du candidat. Pour le reste, je crois qu'il est possible de partager des valeurs sans prétendre faire la leçon à quiconque.
D'ailleurs, notre attachement aux droits de l'homme devrait d'abord se traduire par leur application systématique, en France même. Or il est clair que notre politique carcérale, voire notre politique d'immigration, n'a rien d'incontestable. Pour autant, j'aimerais qu'en Afrique et en Asie la France sache porter des valeurs et des principes qui ne lui appartiennent pas, mais qui sont le bien et l'honneur de tous ceux qui les partagent et les mettent en œuvre. J'aimerais que la voix de la France, tout en étant amicale, fraternelle et respectueuse, soit parfois plus courageuse.

À la place de Sarkozy, qu'auriez-vous dit aux Africains ?
Que, politiquement, l'Afrique et l'Europe doivent penser le XXIe siècle ensemble. Que le codéveloppement ne doit pas être un slogan mais une forme de management commun, tourné vers l'efficacité, au bénéfice des peuples. Cela s'oppose à toute idée d'immobilisme, de reproduction des mêmes modes relationnels, voire des mêmes privilèges. Pendant combien de temps la France a-t-elle fermé ses portes aux étudiants étrangers, notamment africains ? Comment, dans ces conditions, parler de codéveloppement ? Il faut être cohérent ! Nous devons entreprendre ensemble et nous montrer pragmatiques : il y a tant à faire ! D'accord, bien sûr, pour « balayer devant notre porte », mais je m'insurge quand j'entends dire qu'il ne faudrait pas parler franchement de certains problèmes aux Africains, pour ne pas heurter les convenances, les tabous ou que sais-je encore...

« Ni ingérence ni indifférence », disait naguère votre ami Lionel Jospin. Beaucoup avaient interprété cette formule comme une volonté inavouée de « lâcher l'Afrique »...
Non, la formule est pertinente. « Ni ingérence ni indifférence », c'est une base juste, mais il y manque la dynamique. Il faut y ajouter l'envie d'entreprendre ensemble, l'envie d'affronter des problèmes graves ensemble, de partager l'élaboration de réponses inédites, et leur application.

Quel est votre premier souvenir d'Afrique, votre premier contact avec elle ?
Laquelle ? Car mon premier contact avec l'Afrique, c'est ma naissance ! L'Afrique du Nord, c'est bien l'Afrique, non ? S'agissant de l'Afrique subsaharienne, je garde un souvenir extrêmement fort d'un voyage en Côte d'Ivoire aux côtés de l'ancien Premier ministre Pierre Mauroy, au début des années 1980. Nous avions rencontré le président Houphouët-Boigny. Évidemment, tout cela était très organisé. Il y avait énormément de gens pour nous acclamer au bord des routes, et je n'exclus pas qu'on leur ait suggéré de venir... Mais j'avais trouvé très intéressante la discussion avec le président Houphouët.
Depuis, bien sûr, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux chefs d'État africains. Sans parler de mes collègues les maires francophones.

Faut-il fermer les bases militaires françaises en Afrique ?
J'en parle dans mon livre. Il me semble que nos accords de défense doivent être revus, réévalués, actualisés, mais cela ne veut pas dire qu'il faille remettre en cause notre solidarité avec les populations africaines. En d'autres termes, notre présence militaire ne doit pas viser à soutenir des régimes en place, au mépris de la volonté des populations, mais s'inscrire dans le cadre d'un vrai partenariat. Bref, en matière militaire, je reprends volontiers à mon compte la formule de Jospin : « ni ingérence ni indifférence ».

Quel est votre plat tunisien préféré ?
Oh ! il y en aurait beaucoup. Mais si je devais n'en retenir qu'un, ce serait la mloukhia.

Et si vous ne deviez retenir qu'un lieu, qu'une image ?
Les pique-niques avec mes parents, près des grottes du cap Blanc, qui est, comme vous le savez, la pointe septentrionale de l'Afrique. C'est un lieu que j'adore.

Diriez-vous, comme Sarkozy, que les libertés progressent en Tunisie ?
Je laisse les Tunisiens apprécier. Nous avons des relations fraternelles, des valeurs communes. Dans ces conditions, tout en reconnaissant les résultats économiques et parfois sociaux de ce pays, pourquoi s'interdire de rappeler notre attachement viscéral à l'expression libre de la diversité des opinions ? Ce n'est pas exactement ce qu'a dit monsieur Sarkozy.

Que vous inspire le modèle de développement tunisien ?
Je pense qu'il y a en Tunisie l'intelligence et la main-d'œuvre. C'est pourquoi l'investissement dans la formation est un vrai enjeu, de même que les investissements croisés. Un homme comme Faouzi Belkahia, l'ancien président de la Banque de Tunisie, à qui je veux rendre hommage, a été l'un de ceux qui ont le mieux compris cette nécessité de mêler capitaux étrangers et tunisiens, afin de créer une richesse fondée sur l'intelligence, la main-d'œuvre et la prospérité partagée.

Que pensez-vous du projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) ?
On ne peut être que favorable à cette idée, même si le fait d'exclure de ce projet toute une partie de l'Europe a été une erreur considérable. Cela étant, il faut être réaliste : ce n'est pas parce que ce projet est nouveau que les obstacles sur lesquels a buté le processus de Barcelone vont disparaître comme par enchantement. Avancer implique donc d'évaluer lucidement les enseignements positifs mais aussi les limites de Barcelone, pour prendre appui sur ce qui a fonctionné. Une remarque : le conflit israélo-palestinien est un problème incontournable. J'accepte l'idée selon laquelle cette situation si difficile ne doit pas conduire à un blocage du projet d'union méditerranéenne.
Mais ne faisons pas comme s'il n'y avait pas un peuple palestinien qui aspire légitimement à un État viable. Ni comme s'il n'y avait pas, à côté, un peuple israélien qui aspire, non moins légitimement, à la paix et à la sécurité. Ce drame installe chaque jour un peu plus le Proche-Orient dans la confusion, l'irrationnel et le malheur. Même si le rôle prioritaire de l'UPM n'est pas de le traiter, je lui conseille de ne pas l'ignorer. Je crois en outre indispensable d'éviter la lourde erreur qui consisterait à n'organiser cette Union que dans l'optique d'une stricte maîtrise des flux migratoires. L'Union pour la Méditerranée, c'est forcément un projet plus ambitieux, au service d'un dessein plus large...

Le rôle de la France et de l'Europe dans cette région du monde peut-il ne pas se limiter à celui d'un accompagnateur - ou d'un banquier ?
Oui, en dépit de tout. Le problème est que nombre de protagonistes préfèrent les Américains. Si l'Europe, plutôt que les États-Unis, avait été dans cette position centrale, peut-être les choses seraient-elles allées plus vite.

La France doit-elle encore avoir une politique arabe ?
Bien sûr, c'est son devoir. Avoir une politique arabe, ce n'est pas avoir une attitude condescendante ou mercantile vis-à-vis des Arabes. Cela signifie avoir une vision, être dans un rapport d'honnêteté avec nos amis, ce qui peut impliquer également des désaccords assumés. C'est pour cela que nous pouvons être utiles au monde arabe. Nous sommes à la fois ses amis et ceux d'Israël, ce qui peut créer un lien, une dynamique...

Fin avril, l'ancien président américain Jimmy Carter a rencontré Khaled Mechaal, le dirigeant du Hamas. Depuis, on a découvert que les Européens entretenaient eux aussi des contacts informels avec le mouvement islamiste palestinien. Quelle attitude adopter face à celui-ci ?
J'ai beaucoup de respect pour le président Carter, mais j'avoue que son initiative m'a un petit peu surpris. Il n'est pas question de contester la représentativité du Hamas, mais, pourquoi le nier, sa vision totalitaire de la société est inquiétante. Pour ma part, j'entretiens d'excellentes relations avec l'Autorité palestinienne.
J'ai de la considération pour Mahmoud Abbas, j'aime beaucoup Leïla Chahid et Hind Khoury, qui lui a succédé comme représentante à Paris de l'Autorité palestinienne, ce sont mes amis. Quant à Yasser Arafat, je l'ai rencontré plusieurs fois. Mais je ne fréquente pas les gens du Hamas. Aujourd'hui, les conditions d'un dialogue ne sont pas réunies, même si certains indices laissent espérer une possible évolution.

Peut-on vous demander à quoi vous pensez en vous rasant ?
[Rires] Le plus souvent, à des choses de la vie quotidienne. Et si je pense à des choses qui sortent de l'ordinaire, ce sont essentiellement des dossiers parisiens. Ou alors, à Bizerte...

Source: Jeune Afrique - Samy Ghorbal
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